06-09-2023

Réflexions BC2

Une reconversion raisonnée et consensuelle : l’avenir des terrains de golf en Amérique du Nord

Chapitres

Introduction

Entre 1986 et 2005, 4 926 nouveaux parcours de golf ont été créés aux États-Unis seulement. Or, depuis environ 15 ans, le nombre de terrains ne cesse de diminuer passant de 15 990 terrains en 2006 à 15 014 en 2016. Cette tendance se perçoit également au Canada où 158 terrains de golf ont fermé entre 2010 et 2015 et où seulement 21 parcours de 18 trous ont été créé. Dans la grande région de Montréal, depuis 2010, ce sont 12 clubs de golf qui ont fermé leurs portes ce qui représente près de 657 hectares de terrain offrant un potentiel d’utilisation autre qu’une activité récréative extérieure intensive.

Ces nombreuses fermetures signalent une tendance à la transformation du sport et de ses infrastructures. Pour cette raison, les propriétaires de terrains se tournent de plus en plus vers les options existantes en matière de reconversion.

Le redéveloppement gagne en popularité depuis plusieurs années. En 2018, dans le cadre de la National Planning Conference de l’American Planning Association, des professionnels se sont penchés sur la question lors de la présentation « Golf Course Redevelopment and Conversion ».

Cet article offre un tour d’horizon des mutations récentes, des options de reconversion et des bonnes pratiques à privilégier pour assurer un redéveloppement optimal et consensuel des terrains de golf. Finalement, un regard est porté sur les modifications réglementaires entré en vigueur récemment sur le territoire de la Communauté Métropolitaine de Montréal et qui auront un impact certain sur les options de reconversion des terrains de golf.

Un sport en transformation

De nombreuses raisons peuvent expliquer la fermeture des terrains de golf. La saturation de l’offre au début des années 2000 a entrainé une diminution de la rentabilité de ces infrastructures. Les coûts importants reliés à l’adhésion et à l’équipement ainsi que la réduction du temps que les adeptes peuvent allouer au divertissement et à la pratique sont d’autres facteurs qui influencent la popularité du sport.

En effet, avec les horaires de plus en plus chargés, il est difficile de réserver une demi-journée, de façon régulière, pour la pratique du golf. Considérant qu’il s’agit d’un sport dont la technique est difficile à maitriser et qui nécessite des heures de pratique, cela peut décourager plusieurs personnes de commencer ou de persévérer dans ce sport. Finalement, le sport n’a pas su trouver un nouveau joueur qui attire les foules et l’amour des partisans comme Tiger Woods réussissait à le faire à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Toutefois, bien que le marché vît actuellement une période de correction, le sport n’est pas mort, il est encore populaire chez certaines franges de la population.

Les impacts des terrains et de leur fermeture

Maintenir la présence d’un terrain de golf sur le territoire d’une municipalité procure de nombreux bénéfices à une communauté.

Ces installations représentent une superficie importante d’espaces verts et offrent des installations récréatives extérieures à la population. Ces infrastructures permettent la préservation d’espace non construit à l’intérieur de milieux urbains en plus d’assurer la présence d’une faune variée et la filtration de l’eau de pluie.

Cependant, ces installations présentent plusieurs problématiques environnementales. En effet, l’entretien de telles étendues de terrain nécessite une quantité importante d’eau, l’utilisation de fertilisants et de pesticides qui engendrent la dégradation de réels espaces naturels. De plus, la mise en place d’un terrain de golf et son entretien régulier peuvent perturber la faune sauvage et impacter négativement les milieux humides.

L’entretien et la gestion de ces infrastructures coûtent très cher et exigent un nombre important d’employés. Or, lorsque les utilisateurs se font de moins en moins nombreux, il est difficile d’atteindre le seuil de rentabilité et plusieurs golfs finissent par être déficitaires. Afin de contrer le manque de profitabilité des terrains, de nombreux propriétaires choisissent de fermer leur infrastructure ou de la reconvertir. Or, ces décisions ont aussi d’importantes conséquences, autant pour les propriétaires que les communautés environnantes. Parmi ces dernières, la nécessité de maintenir le terrain en état malgré sa fermeture, la difficulté à trouver un nouvel usage viable à de vastes étendues de terrain, la perte d’espace vert non développé à proximité de secteurs résidentiels bien établis et la perte d’installations récréatives extérieures présentent des défis majeurs.

Opportunités de reconversion

La reconversion des terrains de golf peut prendre plusieurs formes. En effet, il est possible de maintenir en activité un terrain de golf en réduisant sa taille et en le réaménageant de manière à y libérer de l’espace pour permettre le redéveloppement d’une partie du site à des fins résidentielles.

La fermeture complète d’un terrain de golf peut permettre le redéveloppement du site à des fins résidentielles tout en préservant une section en espaces verts. La fermeture complète d’un terrain de golf peut également représenter une opportunité de reconvertir l’intégralité du site en espace naturel non construit accessible à la communauté. 

La conférence « Golf Course Redevelopment and Conversion » présentée par l’APA a mis l’emphase sur trois exemples de reconversion qui ont eu lieu dans différentes villes aux États-Unis.

Palm Springs Country Club en Californie

Après la fermeture du Palm Springs Country Club en Californie, en 2007, des problèmes de qualité de l’air sont apparus en raison du manque d’entretien du terrain. En effet, la sécheresse combinée à l’absence d’irrigation régulière du terrain de golf a entrainé une érosion éolienne, avec une dispersion continuelle de sable dans les quartiers avoisinants. De plus, puisque le terrain était peu surveillé, des problèmes de vandalisme ont commencé à apparaitre rendant les quartiers résidentiels avoisinants moins sécuritaires. Afin de contrer ces nouveaux problèmes et dans l’objectif de maximiser le potentiel de développement de cette étendue de terrain, un projet de reconversion a été déposé. Le projet, qui a été autorisé par la Ville, proposait 386 unités d’habitation, la conservation de 47% d’espaces verts, l’ajout d’un parc public et d’installations récréatives en plus d’un sentier permettant de connecter le quartier à un sentier régional.

Afin de s’assurer d’obtenir le meilleur projet possible, la Ville de Palm Springs a identifié certaines bonnes pratiques de redéveloppement d’un terrain de golf.

Selon la ville, avec ce type de projet, il est essentiel de reconnaitre l’importance des terrains de golf comme espaces verts non construits. Il faut prendre en considération l’impact de la perte potentielle de ces espaces pour les résidents voisins et identifier des opportunités pour proposer d’autres options. Lors de la rédaction des documents de planification et des règlements d’urbanisme, il est important d’encadrer ce potentiel de redéveloppement. Il faut considérer l’obligation de normes forçant un redéveloppement raisonné tel que l’obligation de conserver un certain pourcentage d’espace vert ou exiger un paiement pour contrer la perte d’espace vert. Il faut également s’assurer de réglementer les usages autorisés, obliger l’ajout d’une zone-tampon, identifier les espaces verts obligatoires et établir la densité autorisée.

Ces balises aident les villes à avoir un meilleur contrôle sur le potentiel de redéveloppement de ces espaces tout en permettant au promoteur de connaitre les règles avec lesquelles il peut travailler pour proposer un projet adapté au secteur.

Engager et discuter du projet proposé avec la communauté est essentiel pour s’assurer de son soutien. Ces différentes étapes permettent de bonifier la première version du projet déposé selon les différents commentaires obtenus et ainsi obtenir le meilleur projet possible.

Les villes de Las Vegas et Henderson

La ville de Las Vegas possède 14 terrains de golf, dont deux qui ne sont pas opérationnels. Dans les dernières années, deux terrains de golf et un parc ont fait l’objet de projets de redéveloppement dans l’objectif de maximiser le potentiel développable de ces terrains. En 2018, afin d’être proactive par rapport à ces projets, la Ville d’Henderson, au sud de Las Vegas, a adopté une ordonnance visant la fermeture, le maintien et le redéveloppement des terrains de golf, des parcs et des espaces verts.

L’ordonnance a également ajouté des critères à prendre en considération par le conseil de ville et les comités responsables d’analyser des demandes de changement de zonage ou de redéveloppement de ce type de terrains (pour le texte complet de l’ordonnance, voir section « Pour aller plus loin »). Ces critères permettent de mieux encadrer les redéveloppements et d’assurer que la population soit consultée et soit au courant des projets qui sont proposés.

Freehold Communities – Palm Springs, Californie

Le concept du projet Miralon, développé par Freehold Communities, dans la ville de Palm Springs en Californie propose le développement d’un « Agrihood ». Ce modèle de développement de communauté intègre l’agriculture à un quartier résidentiel comprenant des maisons unifamiliales, multifamiliales et mixtes.

Le projet vise la transformation d’un terrain de golf existant, mais jamais utilisé, en un verger d’olives et de citrons avec des jardins communautaires et des sentiers pédestres en plus des secteurs résidentiels, des infrastructures communes et des espaces de détentes.

Au total, le projet occupe 309 acres de terrain et propose 1 150 unités d’habitation. Le plan d’ensemble et les images montrent un projet de redéveloppement offrant une panoplie d’options, avec une approche de développement durable dans un environnement plutôt cossu.

Ce projet a pu voir le jour en raison d’une combinaison de facteurs. En 2016, le tiers des terrains de golf n’était pas profitable et un autre tiers atteignait à peine le seuil de rentabilité. Le coût d’entretien de ces infrastructures continuait d’augmenter et les ressources pour les maintenir en place étaient limitées. D’autres facteurs ont également contribué à la mise en place de ce projet de redéveloppement. Les inquiétudes grandissantes liées aux conditions de sécheresse du secteur et à la météo, le soutien de la communauté à un usage alternatif de cet espace vert et la collaboration de la ville pour approuver le projet ont été décisifs.

La Communauté urbaine de Montréal

Avec la popularité grandissante des projets de redéveloppement des terrains de golf depuis une vingtaine d’années et les changements climatiques qui font de plus en plus partie du discours quotidien on remarque une autre tendance qui est déjà présente ailleurs dans le monde soit celle de convertir les terrains de golf en espaces naturels et en écosystèmes de qualité. Plusieurs y voient ici une occasion en or d’avoir un impact écologique positif et de jouer un rôle marquant dans la transformation de l’occupation et du développement du territoire.

Cette tendance s’observe avec l’acquisition de terrain de golf par des fondations ou organismes qui investissent ensuite dans leurs transformations. C’est le cas entre autres, du terrain de golf de Frodsham, à Cheshire en Angleterre, qui a été acquis par le Woodland Trust et a été transformé en forêt publique. À Belgique, au Wisconsin, un terrain a été acheté par l’Ozaukee Washington Land Trust et a été transformé en réserve migratoire de Forest Beach. L’ancien Club house a été converti en centre communautaire et de nombreux sentiers ont été créés pour traverser des zones d’habitats naturels, des étangs et des milieux humides.

Une autre tendance est celle des municipalités qui sont ou qui deviennent propriétaires d’ancien terrain de golf et décident d’investir et de transformer ces espaces en parcs et sentiers publics. C’est le cas d’une banlieue de Melbourne qui a adopté un plan directeur pour guider la transformation du terrain de golf d’Elsternwick Park en une nouvelle réserve naturelle. La Ville de Milton en Georgie a décidé d’acheter le Milton Country Club et a investi des millions de dollars afin d’y retirer les sentiers asphaltés et d’y créer un réseau de sentiers de 52 miles de long reliant parcs et écoles du secteur.

C’est en autre dans ce contexte que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a adopté le 16 juin 2022, le Règlement de contrôle intérimaire de la communauté métropolitaine de Montréal no. 2002-97 concernant les secteurs présentant un potentiel de reconversion en espace vert ou en milieu naturel. Ce règlement est entré en vigueur le 30 septembre 2022 et a été amendé depuis afin d’y ajouter trois terrains de golf supplémentaires. Ce règlement a pour objectif de favoriser la reconversion et la renaturalisation d’espaces verts afin de permettre à la CMM d’atteindre, d’ici 2031, sa cible de protéger 17% de son territoire. Cette mesure est dite nécessaire puisqu’à ce jour seulement 10% du territoire est protégé. Ce règlement gèle donc de façon intérimaire, soit jusqu’à ce que la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) entre en vigueur, tout développement des golfs visés en y interdisant d’effectuer une opération cadastrale et en interdisant les nouveaux usages et les constructions. Ce règlement a été adopté dans la foulée de la révision du PMAD afin de donner le temps à la CMM de réfléchir aux orientations et aux règles d’aménagement à définir pour ces vastes espaces à travers le territoire.

Or, la volonté des instances régionales et locales de convertir les terrains de golf en espaces naturels protégés nécessite des moyens financiers importants pour les acquérir et les aménager. C’est ici que le projet de loi pour modifier la Loi sur l’expropriation pourrait avoir un impact majeur sur la viabilité de la vision et des intentions de protection des espaces naturels. En effet, le projet de loi, s’il est adopté, ferait en sorte que l’indemnité serait fixée sur la base de la valeur marchande du bien exproprié et non plus sur la base de la valeur de l’immeuble au propriétaire. Ceci sous-entend que l’évaluation des terrains serait moins élevée et donc du même coup plus abordable pour que les villes ou des organismes les acquièrent. Avec un prix d’achat plus bas, il est possible de croire que certaines villes ou certains organismes pourraient avoir le budget pour acheter ces terrains et investir dans leurs aménagements afin des rendent accessibles à l’ensemble de la population.

Conclusion

Avec près de 657 hectares de terrains de golf fermés depuis 2010 dans le Grand Montréal, l’enjeu de la reconversion est bien réel. Afin de s’assurer que la conversion ou le redéveloppement des terrains soient viables et de qualité, il est impératif de prendre le temps de réfléchir à cette tendance et de trouver des solutions à long terme autant du côté des villes que des promoteurs. L’entrée en vigueur du RCI visant la reconversion des espaces verts à un objectif louable qui est celui de protéger l’environnement et d’assurer la présence et la pérennité d’espace naturel de qualité sur le territoire. D’un autre côté, face à une crise du logement sans précédent, ces espaces vacants offrent une opportunité en or de développer ces terrains afin de répondre à la demande pour autant qu’ils soient situés dans un secteur central et viable d’une municipalité.

La consultation de la population est un élément essentiel à la réussite de projets d’une telle envergure et devra davantage être mise de l’avant pour s’assurer d’obtenir le soutien des résidents des secteurs avoisinants.

Puisque la tendance est déjà bien installée, les instances gouvernementales devraient s’assurer d’avoir une vision pour la reconversion des terrains de golf sur leur territoire et d’intégrer les normes de planification appropriées à leur réglementation.

Des balises claires permettront autant aux décideurs, aux organismes et fondations qu’aux développeurs de travailler avec des outils clairs pour offrir le meilleur projet possible.

Auteurs

  • Alexia Lapierre-Grimard Chargée de projet en urbanisme

Pour aller plus loin

Golf Course Redevelopment and Conversation webinaire disponible sur le site de l’American Planning Association – Présentation du 21 avril 2018 dans le cadre du National Planning Conference  par l’American Planning Association

Caroline Brigham, AICP, Robert Summerfield, AICP, Bradley Shuckhar

City of Henderson (2018). Ordinance no.3469 (ZOA-17-881756 – Development Code Update – Golf Courses, Parks, Open Spaces and PS-zoned Land). En ligne : https://www.cityofhenderson.com/docs/default-source/community-development-docs/development-code-revisions/ordinance_no_3469_february_20_2018_golf-courses-parks-open-spaces.pdf?sfvrsn=2

Site web de Freehold Communities:

https://freeholdcommunities.com/our-communities/

Communauté métropolitaine de Montréal (2017). Quel avenir pour les terrains de golf dans le Grand Montréal ? Perspective Grand Montréal – Bulletin de la Communauté métropolitaine de Montréal, no.32.

En ligne : http://cmm.qc.ca/wp-content/uploads/2019/02/32_Perspective.pdf

Règlement de contrôle intérimaire de la Communauté Métropolitaine de Montréal numéro 2022-97 concernant les secteurs présentant un potentiel de reconversion en espace vert ou en milieu naturel et son amendement:

https://cmm.qc.ca/wp-content/uploads/2022/08/20220825_RCI_2022-97_reconversionEV-MN-EN-VIGUEUR.pdf

Autres sources – exemples de transformations de terrain de golf en parc :

Barkham, Patrick. “Rewilded former golf course in Cheshire to be transformed into public woodland.” The Guardian, 25 décembre 2022,

https://www.theguardian.com/environment/2022/dec/25/frodsham-cheshire-golf-course-transformed-woodland

Green, Jared. “Ace Idea: Transforming Defunct Golf Courses into Parks.” The Dirt, 4 juin, 2019. https://dirt.asla.org/2019/06/04/ace-idea-transforming-golf-courses-into-public-parks/

McGregor Coxall and Bayside City Council. Elsternwick Park Nature Reserve Masterplan Report. March 2020. https://yoursay.bayside.vic.gov.au/elsternwick-nature-reserve