19-06-2023

Réflexions BC2

Les aménagements temporaires au service de la ville résiliente

Chapitres

Au sein des Réflexions BC2*, nous avons mis à profit nos différentes expertises en aménagement du territoire pour créer une boîte à outils dédiée à la résilience territoriale. Inspirés par les défis captivants qui accompagnent notre pratique dans un monde en constante évolution, nous vous invitons à plonger dans cet univers passionnant où nos réflexions prennent forme. Préparez-vous à explorer des solutions novatrices, des idées inspirantes et des conseils pratiques qui vous aideront à affronter les défis de la résilience territoriale. Pour découvrir plus en détail les défis de la résilience territoriale, nous vous invitons à consulter notre article à ce sujet. 

Les projets d’aménagements temporaires se sont particulièrement multipliés au cours des dix dernières années, bien souvent à l’initiative de gestes citoyens : réalisation d’aménagement sur une friche, potagers publics, verdissement de ruelles, aménagement d’espaces de repos et/ou aire de jeux sur le domaine public, etc.

Bien que les origines de ces aménagements soient multiples, leur émergence peut notamment être reliée au développement du « chrono-urbanisme », concept qui intègre le temps dans l’aménagement de la ville. Penser conjointement l’espace et le temps dans le développement et l’aménagement d’un milieu permet de répondre à plusieurs objectifs :

  • Adapter le rythme des services à celui de la population;
  • Anticiper les besoins d’une collectivité dans un objectif de développement durable;
  • Intégrer des démarches itératives et concertées dans la conception des espaces;
  • Développer un quartier ou un territoire orienté sur la proximité pour que ses habitants accèdent, grâce à la mobilité active, aux principaux commerces et services essentiels sur de courtes distances.

L’émergence des aménagements temporaires

Le développement des aménagements temporaires a réellement commencé dans les années 2000 avec l’émergence d’actions d’aménagement de l’espace public portées par des citoyens, telles que le mouvement du Parking Day à San Francisco en 2005. Dans les années 2010, ces types d’aménagement de l’espace public ont suscité l’intérêt de collectivités qui ont vu l’opportunité de développer des programmes innovants, comme le Plaza Program à New York.

Plus récemment, la pandémie de COVID-19 est venue confirmer la capacité des aménagements temporaires à répondre à un besoin urgent dans les villes et les quartiers en situation de perturbation sanitaire, mais aussi sociale. Entre autres, des mesures sanitaires d’urgence, telles que la distanciation sociale et la limitation des longs déplacements, ont amené les collectivités à adapter rapidement leurs espaces publics de proximité de manière à répondre à la fois à des enjeux sécuritaires et aux besoins de lien social et d’activité physique.

La crise sanitaire a ainsi conduit les collectivités à repenser les espaces publics de proximité et les modalités de leur appropriation (pour en savoir plus sur les enjeux de gestion et de gouvernance liés à ces espaces, consultez notre article à ce sujet en cliquant ici). Si cette crise a révélé la pertinence des aménagements temporaires en réponse à une situation d’urgence, elle a également conduit les professionnels de l’aménagement à explorer davantage l’intégration du chrono-urbanisme dans la démarche de projet.

En effet, les aménagements temporaires mis en place durant la pandémie de COVID-19 résultaient souvent d’idées et de projets en réflexion, qui peinaient à trouver une fenêtre d’opportunité pour se déployer. L’expérience a démontré la pertinence de mettre à l’essai des aménagements avant leur pérennisation, de par la souplesse des dispositifs utilisés et la simplification des procédures administratives.

Un vaste champ lexical

De manière plus générale, la démarche permet de proposer des espaces d’expérimentation au service d’un urbanisme tactique, de réfléchir à d’autres situations de perturbations majeures (sociodémographique, économique, saisonnière, etc.) et de mettre en place les bases de futurs aménagements pérennes.

Comme l’explique l’étude de l’Agence de la transition écologique (ADEME) (France) publiée en 2020, « les aménagements temporaires d’espaces publics […] démontrent une des façons d’augmenter la résilience des villes et des territoires en alliant gestion de crise et vision de long terme pour des villes aux trajectoires plus favorables à la santé, au climat, à la qualité de l’air, au lien social et aux mobilités frugales ».

Face à des enjeux multiples, les interventions temporaires prennent des formes variées sans modèle ou méthodologie prédéfinis. Plusieurs expressions, reflets de ces pratiques hétérogènes, sont apparues en parallèle pour désigner un même phénomène. On retrouve tout un champ lexical autour de la notion d’aménagement temporaire, dont les définitions sont encore aujourd’hui floues.

Le présent outil clarifie, dans un premier temps, ce champ lexical. Une représentation schématique permet ensuite de montrer comment l’expérimentation s’intègre dans le processus d’un projet, où des facteurs internes ou externes contribuent à l’évolution et la concrétisation d’un aménagement ou d’un projet pérenne.

Les types d’aménagements temporaires

L’expression générique « aménagement temporaire » est généralement employée pour faire référence à l’aménagement passager d’espaces publics ou privés, qu’ils soient occupés ou inoccupés, dans une perspective de valorisation, de (ré)investissement social ou préalable à une transformation vers une situation pérenne. Les objectifs et stratégies de ces aménagements permettent de distinguer deux types d’aménagement temporaire :

  • L’aménagement éphémère qui permet la tenue d’activités économiques, artistiques, culturelles ou sportives sur un temps court, souvent préalablement défini dans le temps. De dimension événementielle, voire festive, l’aménagement éphémère est pensé dans un objectif de réversibilité fonctionnelle de l’espace occupé et n’est pas nécessairement intégré dans un processus d’évolution à long terme. Les aménagements éphémères peuvent également être saisonniers afin de favoriser l’appropriation citoyenne des espaces publics sur l’ensemble de l’année.
  • L’aménagement transitoire constitue une étape préalable à la concrétisation d’un projet ou d’une solution pérenne. Cet aménagement intervient comme soutien aux démarches de participation et de concertation dans le devenir des lieux et contribue ainsi à l’adhésion et l’acceptation citoyenne. L’aménagement transitoire s’intègre ici dans la réflexion plus large d’un processus d’urbanisme stratégique. De par son état intérimaire, l’aménagement transitoire permet de tester, par des moyens relativement simples et économes, des utilisations pour un lieu et de valider l’atteinte des objectifs ultimes par un meilleur contrôle des risques associés à l’aménagement d’un projet permanent ou à la prise d’une décision précipitée.

Des aménagements tactiques aux aménagements stratégiques

Comme le suggèrent Dovey et Stevens dans Temporary and Tactical Urbanism (Re)Assembling Urban Space (2023), un aménagement temporaire peut être défini selon un spectre qui va de « tactique » à « stratégique ».

Dans ce contexte, le terme « tactique » peut être utilisé pour désigner un aménagement qui répond à des besoins immédiats et offre des solutions à court terme. Une telle intervention est souvent développée localement et caractérisée par un certain degré informel. Par exemple, les solutions temporaires d’amélioration à un espace public proposées par les citoyens sont souvent identifiées comme de l’« urbanisme tactique ». Ces interventions permettent souvent d’innover, de tester et de réinventer l’espace.

En revanche, le terme « stratégique » implique un niveau plus élevé de permanence et une vision à plus long terme. Différents facteurs d’influence peuvent déclencher un changement sur l’échelle du « tactique » vers le « stratégique ». Ces facteurs sont définis ci-dessous.

Des aménagements résilients

  • Le terme « résilience territoriale » fait généralement référence à la capacité d’un territoire à se préparer, à s’adapter et à se rétablir suite à d’un choc ou d’un changement. La résilience peut être évaluée à plusieurs niveaux, seuls ou combinés. Elle peut, par exemple, découler d’un facteur économique (fermeture d’une entreprise, récession, etc.), social (contexte démographique, besoins d’une collectivité à combler un besoin, etc.) et environnemental (chaleur urbaine, inondation, mauvaise qualité de l’air, etc.).

Les aménagements temporaires peuvent favoriser la résilience territoriale dans la mesure où ils permettent de répondre rapidement à des besoins, de s’adapter à des situations changeantes et de tester par un processus itératif les meilleures options menant à une solution à plus long terme, répondant aux besoins ou préoccupations des usagers. Au même titre que la résilience territoriale, l’efficacité des aménagements temporaires est influencée par des facteurs sociaux, environnementaux, politiques et économiques. Ils impliquent ainsi des enjeux de gouvernance, de droit de propriété, de temps, de financement, de localisation et d’accessibilité, de besoins locaux ou collectifs.

Les facteurs de réussite d’un aménagement temporaire

Les retours sur des expériences vécues démontrent que la réussite d’un aménagement temporaire dépend de la prise en compte de plusieurs facteurs tout au long de la démarche :

  • Trouver l’équilibre entre esthétisme, fonctionnalité et qualité des aménagements. La qualité des aménagements, mêmes temporaires, est importante. Dans le cadre d’aménagements réalisés dans l’attente d’un projet définitif, les aménagements doivent être durables à moins de prévoir un budget pour l’entretien des matériaux périssables;
  • Prévoir une période de stabilisation et de recul afin de consulter les citoyens sur l’aménagement temporaire, d’évaluer les impacts environnementaux, sociaux et économiques de l’aménagement et de l’améliorer le cas échéant;
  • Accompagner l’aménagement avec un programme de communications (affichage, réseaux sociaux, envois postaux) et une animation sur place;
  • S’appuyer sur des structures associatives locales et des professionnels;
  • Considérer le fait que les retombées à long terme de ces aménagements sont encore peu connues. Le partage des expériences entre municipalités et organisme, ainsi que la formation des services techniques, est un gage de volonté d’amélioration et un incitatif pour développement de nouvelles initiatives;
  • Impliquer les usagers dans la conception permet de garantir un aménagement inclusif et prenant en compte les utilisations potentielles de l’espace (déplacement, repos, socialisation, divertissement);
  • Désigner un porteur de projet fort et, idéalement, indépendant des instabilités politiques, plus particulièrement lors de la transition entre deux mandats;
  • S’assurer que les aménagements sont conformes avec la règlementation applicable, ou la faire évoluer au bénéfice de la sécurité et de l’accessibilité de tous les usagers.

Études de cas

PlazaPOPS : l’aménagement de stationnements dans les banlieues proches de Toronto

Catégorie : aménagements éphémères
Années : 2019 – en cours
Lieu : Toronto, Ontario

Description :

  • Approche communautaire visant à transformer les aires de stationnement privées de centres commerciaux en espaces de rassemblement publics gratuits et accessibles.
  • Projet répondant au manque d’espaces de socialisation et d’aménagements piétons le long des artères dans les banlieues proches de Toronto. Cette initiative vise à soutenir et à renforcer les communautés et les entreprises dynamiques qui animent déjà ces parties de la ville, en suggérant des approches sensibles pour leur densification.

Moment 1 : Projet pilote

WexPOPS, le projet pilote de plazaPOPS, a été inauguré en juillet 2019 à l’occasion du festival annuel Taste of Lawrence. L’installation occupait 10 places de stationnement sur la Wexford Plaza (un centre commercial linéaire dans le quartier de Wexford Heights, Scarborough). Tout au long de l’installation, le site a fait l’objet d’une programmation événementielle.

Le projet a été lancé dans le cadre d’un partenariat entre l’université de Guelph (School of Environmental Design and Rural Development), une organisation artistique communautaire (Scarborough Arts) et un organisme représentant les commerces locaux (Wexford Heights BIA). Il a été initialement financé par un programme des Ami(e)s des parcs.

La première phase du projet a été élaborée à la suite d’un processus de conception communautaire. Les objectifs et l’orientation du projet ont été déterminés par un comité de travail composé de citoyens locaux, de membres d’organisations communautaires, de propriétaires d’entreprises locales et de membres du personnel de la Ville de Toronto. Dans le cadre du programme City Lab Fellowship de l’Université de Toronto, des étudiants en maîtrise d’urbanisme et en maîtrise d’administration ont rejoint l’équipe de plazaPOPS pour proposer des paramètres mesurant les impacts économiques et sociaux du projet sur la communauté locale. Les services de transport de la ville de Toronto ont aussi contribué par l’organisation de consultations et l’installation d’un stationnement pour vélos le long de l’avenue Lawrence, adjacente au site.

Facteurs d’influence : maîtrise foncière, partenariats, financement, gouvernance, participation citoyenne

Moment 2 : Financement opérationnel

Après le succès du projet pilote de 2019, plazaPOPS a reçu un financement opérationnel pour trois ans de l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario.

Le projet a été implanté sur plusieurs nouveaux sites dans le quartier de Albion Islington.

Facteurs d’influence : financement

Moment 3: Projet de recherche

Le projet est en continuation en 2023. Les installations ne se font pas toujours sur les mêmes sites chaque année.

L’organisme PlazaPOPS travaille actuellement avec la Ville de Toronto sur un projet de recherche financé par le Conseil de recherches en sciences humaines qui vise à transformer ce projet en programme municipal.

Facteurs d’influence : gouvernance, financement, partenariat

Aménagement temporaire dans le cadre de plazaPOPS. Crédit : Duane Cole, plazaPOPS
Processus de design communautaire. Source : plazaPOPS
Aménagement temporaire dans le cadre de PlazaPOPS. Source : Kat Rizza, PlazaPOPS

Village au Pied-du-Courant : de la mobilisation citoyenne pour l’appropriation d’un site à un aménagement éphémère récurrent

Catégorie : aménagement éphémère récurrent
Année : 2014 – en cours
Lieu : Montréal, Québec

Description : Projet collaboratif de réappropriation des berges né d’un désir citoyen de revaloriser un grand site sous-utilisé en bordure du fleuve Saint-Laurent et appartenant au Ministère du Transport du Québec (MTQ). Chaque été depuis 2014, la communauté montréalaise prend part à la réalisation de ce projet à vocation culturelle, sociale, éducative et festive pour transformer la chute à neige Fullum en un grand terrain d’expérimentation collective aux allures de plage. La vision collective du projet réaffirme la capacité et la volonté des citoyens d’agir collectivement pour le devenir de leur milieu de vie. Le projet est piloté par l’organisme à but non lucratif La Pépinière.

Moment 1 : Le projet pilote

L’histoire du Village Au Pied-du-Courant débute en 2013, sur le canal Lachine. L’association du Design Urbain du Québec (ADUQ) aménage un site aux abords du bassin Peel le temps d’une fin de semaine afin d’exposer le pouvoir de l’appropriation citoyenne de sites sous-utilisés. Sans programmation formelle et muni de mobilier fait à partir d’objets remaniés par les artisans de l’association, l’humble opération fait suffisamment parler d’elle pour déclencher la série d’événements qui nous amène à ce qu’est aujourd’hui le Village Au Pied-du-Courant.

Facteurs d’influence : maîtrise foncière d’un nouveau site, soutien professionnel.

Moment 2 : La chute à neige Fullum

L’année suivante, des citoyens du quartier Ste-Marie, dans l’arrondissement Ville-Marie, signalent un site municipal sous-utilisé à l’ADUQ et aux dirigeants de La Pépinière, nouvellement fondée. Depuis plusieurs années, les citoyens manifestent leur désir d’accéder aux berges du fleuve depuis des terrains vacants à l’est du pont Jacques-Cartier, dont la chute à neige Fullum fait partie. Ce site est tout indiqué puisqu’il est complètement abandonné chaque année à la suite de la fonte des neiges.

Facteurs d’influence  : gouvernance (fondation de l’OBNL La Pépinière et reprise de la gestion par celui-ci), mobilisation citoyenne pour l’appropriation du site.

Moment 3 : Participation citoyenne amplifiée

Les années suivantes sont marquées par une intensification de la participation citoyenne et ce, dans toutes les sphères du projet. On assiste d’abord à un premier appel à participer aux initiatives de micro-entreprenariat qui verront le jour sur le site, puis à un appel à la participation citoyenne transversale visant la réalisation des aménagements physiques, la planification de la programmation et la création de nouvelles initiatives.

Facteurs d’influence  : financement public et parapublic, appel à la participation citoyenne.

Moment 4 : Aménagement éphémère récurrent

Aujourd’hui, la programmation de plus en plus variée et un horaire flexible attirent un nombre constant de visiteurs de tous âges sur les lieux. Bien que le projet aspire de façon plus macro à redonner accès aux berges du Saint-Laurent et à l’appropriation citoyenne de la série de terrains dont le village fait partie (ambitions de transition à moyen / long terme), il a atteint un plateau dans sa courbe d’évolution. Depuis quelques années, une offre plus ou moins équivalente est répétée sur le site de la chute à neige Fullum afin de combler les besoins en espace public et en programmation culturelle des résidents du quartier.

 

Événement « Mexico » au Village au Pied-du-Courant. Source : Charles-Olivier Bourque, Village au Pied-du-Courant
Chantier de construction au Village au Pied-du-Courant. Source : Village au Pied-du-Courant

Le Pré Saint-Gervais : de l’aménagement éphémère d’un espace public au réaménagement du centre-ville

Catégories : aménagements éphémères et expérimentaux, aménagements transitoires et aménagements pérennes
Année : 2018 – en cours
Lieu : Ville du Pré Saint-Gervais, Seine-Saint-Denis, France

Description : aménagement temporaire d’une place publique prévu initialement pour pallier un besoin immédiat, puis ayant servi de catalyseur pour le développement d’une culture de l’expérimentation et pour le réaménagement du centre-ville. Cet exemple illustre comment l’approche tactique d’un aménagement peut être cultivée pour préfigurer de futurs usages et pour mettre en place une vision stratégique à plus grande échelle.

Moment 0 : La place du Général Leclerc, avant aménagement temporaire

La place du général Leclerc est la place centrale de la Ville du Pré Saint-Gervais. Il s’y tient des événements divers tels que le marché aux fleurs, des ateliers d’artistes et le marché des saveurs. Classée Monument historique et faisant face à l’hôtel de Ville, elle est également un lieu de patrimoine et d’histoire. L’été, les habitants viennent profiter d’une terrasse de café ombragée.

Moment 1 : Aménagements temporaires de la place du général Leclerc

En 2018, le chantier de rénovation de l’école Anatole-France nécessite l’extension provisoire de l’école sur le square Edmond-Pépin face à celle-ci. Les fonctions du square sont recréées sur la place du général Leclerc. Cet aménagement est prévu initialement le temps du chantier de rénovation. L’aménagement temporaire vise à créer un lieu de rencontre attractif et convivial au cœur de centre-ville. La Ville installe ainsi une plateforme en bois, des bacs végétalisés et une ludothèque gratuite gérée par une association.

Facteurs d’influence : maîtrise foncière, besoin immédiat à pallier, partenariat avec structure associative locale, portage politique.

Moment 2 : Expérimentation sur les espaces publics adjacents à la place

À la fin des travaux de l’école en 2020, la municipalité décide de conserver l’aménagement temporaire de la place et de tester de nouveaux usages et matériaux sur le square Edmond-Pépin tels qu’un brumisateur, une réorganisation du marché extérieur, des copeaux de bois, des espaces couverts. Avec l’arrivée de la pandémie en 2020, l’urbanisme tactique est très médiatisé. La Ville propose alors des aménagements temporaires légers afin d’apaiser une partie de la rue adjacente à la place, la rue André-Joineau.

Facteurs d’influence : crise sanitaire, développement d’une culture de l’expérimentation et de l’approche tactique, portage politique.

Moment 3 : Projet de renouvellement du centre-ville

À la suite de ces expérimentations, un projet de requalification du centre-ville se co-construit en 2021 et 2022, avec la population et le soutien de deux agences d’urbanisme et de concertation. Cette co-construction se fait en trois étapes : la réalisation d’un diagnostic partagé avec la population, la co-construction du projet avec l’identification de la place du général Leclerc, le square Edmond-Pépin et la rue piétonne André-Joineau comme centralités importantes, et le partage de l’avant-projet. Le projet étant aujourd’hui finalisé, le lancement des travaux est prévu durant l’été 2023.

Facteurs d’influence : participation citoyenne, soutien de professionnels, portage politique.

La place du Général Leclerc, avant et après installations d’aménagements temporaires. Source : Google street
La place du Général Leclerc, avant et après installations d’aménagements temporaires. Source : Google street
Aménagement temporaire de la place du général Leclerc. Source :  A l’adresse du jeu 
Aménagement temporaire de la rue André Joineau. Source : Ville du Pré Saint-Gervais
Périmètre du projet de requalification du centre-ville. Source : AREP, Repérage urbain 
Modélisation 3D de l’aménagement de la place du Général Leclerc. Source : AREP, Repérage urbain
Modélisation 3D de l’aménagement de la rue André Joineau. Source : AREP, Repérage urbain

Le quartier de Dalston : participation citoyenne, aménagements temporaires et exploratoires au profit de la revitalisation urbaine

Catégorie : aménagements éphémères et expérimentaux
Années : depuis 2005
Lieu : quartier de Dalston (arrondissement de Hackney), Londres, Royaume-Uni

Description :

  • Approche de revitalisation urbaine remontant à près de 20 ans, mais plusieurs des moyens et activités mis en œuvre à l’époque sont toujours utilisés afin de proposer des aménagements transitoires et temporaires vers un aménagement plus pérenne. Cette temporalité permet par ailleurs d’avoir un recul sur les retombées de la démarche.
  • Aménagements temporaires utilisés dans une démarche de recherche-action et de planification itérative en lien avec la communauté diverse et créative du quartier.

Moment 1 : Naissance du projet pilote Making Space in Dalston

Le projet de desserte du quartier par le métro de la East London Line est associé au développement d’une nouvelle centralité. Toutefois, la London Development Agency (LDA) reconnait que le projet est spécifique à un seul site et s’arrime difficilement avec le quartier et la région plus largement. Par ailleurs, le quartier est marqué par un taux élevé de pauvreté et accuse un déficit d’espaces publics.

C’est à partir de ces constats que le projet pilote Making Space in Dalston voit le jour. Il vise, entre autres, à étudier, par le biais d’aménagements temporaires, la possibilité de revoir les manières d’aborder la planification urbaine du quartier pour l’ancrer dans sa dimension communautaire, culturelle et y impliquer les différents acteurs citoyens concernés.

Facteurs d’influence : arrivée d’un projet de grande envergure, gouvernance (volonté de la LDA de proposer un projet structurant répondant aux besoins de la communauté)

Moment 2 : Premier projet d’aménagement et mobilisation citoyenne

À l’automne 2005, la LDA souscrit à la construction d’une plateforme au-dessus du chemin de fer au cœur du village de Dalston ainsi qu’à un processus de négociation pour encourager le secteur public à collaborer au développement du secteur.

En décembre 2005, l’organisme local Open Dalston lance, avec d’autres organisations, une campagne afin qu’une nouvelle planification impliquant les citoyens soit entreprise.

Facteurs d’influence : gouvernance, mobilisation citoyenne

Moment 3 : Début des travaux sur Dalston Square

En 2006, les travaux de développement résidentiel de Dalston Square débutent. Le projet vise à revitaliser le cœur du quartier de Dalston en offrant des logements de qualité, des espaces publics, des commerces et services pour les résidents.

Facteurs d’influence : gouvernance, développement résidentiel du quartier

Moment 4 : Projet de recherche expérimental Design for London et cartographie culturelle du quartier de Dalston

Le projet de recherche Design for London est lancé en 2007 par la municipalité pour concevoir une stratégie de design urbain tactique et améliorer la qualité du design et de l’urbanisme à Londres. Des rencontres de groupe sont organisées pour la coordination du design et l’élaboration du projet de planification alternatif.

Au printemps 2008, un rapport émergeant des différentes rencontres recommande la réalisation de petits projets ancrés dans la communauté comme mesure de mitigation au développement des projets de grande envergure en cours. Deux firmes d’urbanisme et d’architecture, J&L Gibbons et muf architecture/art, sont sélectionnées pour mettre en place ces projets.

La première phase de leur travail aboutit à la cartographie culturelle du quartier de Dalston.

Facteurs d’influence : gouvernance, soutien de professionnels, concertation citoyenne

Moment 5 : Aménagements temporaires et rapport Making Space in Dalston

De septembre 2008 à mai 2009 a lieu la phase 2 de planification, de mise en place des différents aménagements temporaires et exploratoires, de rédaction et publication du rapport Making Space in Dalston.

Plus de 70 projets sont identifiés et regroupés sous dix thèmes à partir de discussions avec près de 200 personnes ou groupes, de réunions du groupe de pilotage et des parties prenantes tenues localement, et de présentations de haut niveau.

En parallèle, le Dalston Mill ouvre ses portes; plus de 14 600 personnes viendront le visiter.

Facteurs d’influence : soutien de professionnels, concertation citoyenne, publication d’un rapport

Moment 6 : Fin de la phase 1 des travaux Dalston square

En avril 2010, la première phase du Dalston Square est complétée.

Moment 7 : Poursuite des projets temporaires

En 2010-2011, la construction des projets temporaires se poursuit.

Retour sur les acquis de Dalston :

Les expériences issues des ateliers participatifs et des aménagements réalisés ont depuis alimenté et accompagné de nombreuses organisations dans l’encadrement de leur démarche et l’identification des grands enjeux inhérents à la réalisation de projets d’aménagement transitoires. Les années ont pu confirmer plusieurs bons coups, mais aussi de notamment faire ressortir un impact significatif émanant de la transformation du quartier. Si les premières années ont permis d’animer les espaces publics et de ramener une fierté à Dalston, l’engouement pour ce quartier ouvrier désormais connecté au réseau de transport collectif structurant londonien n’a jamais cessé de croître. Une nouvelle population s’approprie graduellement le quartier, y établit ses commerces et services, y applique ses codes, repoussant par l’occasion les citoyens pour qui les premières interventions étaient initialement destinées.

L’annonce de l’arrivée de la East London Line a donné naissance à une multitude d’interventions destinées à la population de Dalston afin d’offrir des aménagements permettant de dynamiser le secteur et ramener un sentiment de sécurité et de fierté.

À l’inverse, l’embourgeoisement du quartier peut être en partie attribuable à cette nouvelle connexion qui a rendu plus accessible à de nouveaux résidents et commerçants un secteur abordable et de plus en plus animé, où la population était impliquée dans le façonnement de son quartier, particulièrement dans l’amélioration de son domaine public, de sa vie communautaire et du cadre bâti.

Les aménagements temporaires et plus pérennes ne peuvent pas être entièrement responsables à eux seuls de la transformation sociodémographique observée. Toutefois, il peut être pertinent de se questionner si le grand nombre d’interventions, leur ampleur et la durée de ce chantier participatif de revitalisation n’auraient pas contribué à accélérer cette transformation. Est-ce possible, qu’à la suite du succès des premiers aménagements et événements, on ait graduellement oublié les fondements de l’opération? Est-ce que le nombre et l’intensité de certains aménagements transitoires devenus pérennes ont pu amplifier un embourgeoisement inévitable du quartier? Il s’agirait de questions, parmi d’autres, qui méritent d’être réfléchies et qui devraient être gardées à l’esprit lors de la planification, de l’établissement d’indicateurs et de la mise en œuvre d’aménagements transitoires.

Extrait de Making Space in Dalston. Source : J&L Gibbons
Aménagement temporaire. Source : J&L Gibbons
Extrait de Making Space in Dalston. Source : J&L Gibbons

Conclusion

Les bénéfices apportés par un aménagement temporaire sont multiples. D’un point de vue social, il permet d’informer, de concerter et ainsi d’impliquer concrètement des citoyens dans un processus de transformations de leur milieu de vie. De par la dimension expérimentale d’un tel aménagement, il donne matière à proposer des aménagements novateurs, c’est-à-dire jamais ou peu réalisés auparavant, et mettre à l’essai des aménagements et activités dans le but de favoriser l’appropriation ou une nouvelle vocation à un espace, public ou privé. Enfin, le stade intérimaire d’un aménagement permet de préfigurer ses répercussions ou retombées jusqu’à la réalisation du projet pérenne et définitif.

S’inscrivant dans la pensée du chrono-urbanisme, les aménagements temporaires suivent les rythmes de nos sociétés et incarnent une vision particulière de l’urbain dans un temps donné. Ils sont donc appelés à se réinventer sans cesse. À cet égard, ils sont souvent précurseurs de l’évolution d’un quartier comme le montrent les études de cas.

Si l’aménagement temporaire permet de réagir rapidement à une situation donnée, la démarche nécessite de trouver le bon rythme pour y intégrer les parties prenantes concernées, l’échelle et les spécificités du territoire. Cette démarche facilite l’avènement de solutions résilientes afin d’anticiper les crises et les défis territoriaux. De ce fait, il est possible d’affirmer que l’aménagement temporaire résulte d’une réflexion multidimensionnelle et témoigne qu’il n’existe pas qu’un modèle de résilience, mais plutôt des résiliences territoriales.

 

* Les Réflexions BC2 est une cellule dédiée à la recherche, au développement et à l’innovation au sein de BC2. Elle regroupe des experts de divers domaines tels que l’urbanisme, le design urbain, l’architecture de paysage, et bien d’autres. Sa mission est de partager et diffuser les connaissances en interne et auprès du public, afin d’assurer l’excellence et l’avant-gardisme de nos projets. L’équipe permanente des Réflexions BC2 est hautement qualifiée et participe également à la recherche et à l’enseignement universitaire.

Auteurs

  • Clémentine Mosdale Conseillère - Architecture de paysage (BC2)
  • Laurie Pelletier Conseillère - Architecture de paysage (BC2)
  • Xavier Santerre Chargé de projet - Design urbain (BC2)
  • Erika Leclerc Professionnel - Collaboration Internations (BC2)
  • David Poiré Directeur principal - Urbanisme planification (BC2)

Références

Bibliographie générale :

ADEME (septembre 2020). Aménagements urbains temporaires des espaces publics. Rapport flash, étude de cas et analyse multicritère. Aménagements urbains temporaires des espaces publics – La librairie ADEME

Association des architectes paysagistes du Canada. Revue Landscapes | Paysages, volume 24 (automne 2022). L’éphémère. CSLQ0322-compressed.pdf (aapc-csla.ca)

Collectif Cabanon Vertical (2017). Les aménagements urbains transitoires, enjeux et guide pratique. LES AMÉNAGEMENTS URBAINS TRANSITOIRES, enjeux et guide pratique by Cabanon Vertical – Issuu

Demain la ville (avril 2020). L’urbanisme transitoire, un paradoxe plein d’avenir. L’urbanisme transitoire, un paradoxe plein d’avenir (demainlaville.com)

Dovey, K. et Stevens, Q. (2022). Temporary and Tactical Urbanism, (Re)Assembling Urban Space.

Établissement public d’aménagement universitaire de la Région Île-de-France et Institut Paris Région (septembre 2022). L’urbanisme transitoire, guide pour les sites universitaires. Guide Urbanisme Transitoire 2022 Pap (calameo.com)

Pradel, Benjamin (décembre 2019). L’urbanisme temporaire, transitoire, éphémère, des définitions pour y voir plus clair. L’urbanisme temporaire, transitoire, éphémère, des définitions pour y voir plus clair. | by École Urbaine de Lyon | Anthropocene 2050 | Medium

Rue de l’avenir (janvier 2021). Aménagements urbains temporaires des espaces publics, Comment passer de l’essai ou du temporaire (urbanisme tactique) à l’aménagement urbain pérenne. Aménagements urbains temporaires des espaces publics – Rue de l’Avenir (rue-avenir.ch)

Ville de Montréal. Huit projets exemplaires d’aménagements transitoires (août 2016). VILLEMT_ETUDELEBANC_AMETRANSITOIRES_20160831.PDF (montreal.qc.ca)

Bibliographie des études de cas :

PlazaPOPS. https://plazapops.ca/

Village au Pied-du-Courant, Mission. https://www.aupiedducourant.ca/mission

BaronMag, L’histoire derrière le Village au Pied-du-Courant : le pionnier du placemaking à Montréal (août 2018). https://baronmag.com/2018/08/histoire-village-pied-courant/

Répertoire des bonnes pratiques en urbanisme, Village Au Pied-du-Courant à Montréal : Une fenêtre citoyenne sur le fleuve Saint-Laurent (décembre 2018). https://repertoireouq.com/projet/village-au-pied-du-courant-a-montreal/

Page Facebook de l’ADUQ. ADUQ Association du design urbain du Québec | Facebook

Ville du Pré Saint-Gervais. Réaménagement du centre-ville. Réaménagement du centre-ville – Le Pré Saint-Gervais (villedupre.fr)

À l’Adresse du Jeu. Le Pré Saint-Gervais. Le Pré Saint-Gervais – À l’Adresse du Jeu (aladressedujeu.fr)

Architecture in Development. A–D — Making Space in Dalston (architectureindevelopment.org)

Strategic Themes, Dalston | muf architecture/art

J&L GIbbons. Making Space in Dalston – jlg-london